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mardi 30 janvier 2018

Année Lombarde : la Cour d'Appel de Douai condamne à nouveau la Caisse d'Epargne.


Par arrêt en date du 25 janvier 2018 (Chambre 8 Section 1, RG n°16/04042), la Cour d'Appel de DOUAI a une nouvelle fois condamné la pratique de l'année lombarde (calcul des intérêts sur 360 jours) par la CAISSE D'EPARGNE NORD FRANCE EUROPE.

La Cour constate que :

Madame X rapporte (...) suffisamment la preuve que la banque a indûment perçu des intérêts calculés par référence à l’année bancaire de trois cent soixante jours au lieu de l’avoir été par référence à l’année civile. 

La Cour considère dès lors que :

Madame X est par conséquent bien fondée à réclamer la substitution, à compter de la souscription de l’acte de prêt, de l’intérêt légal à l’intérêt conventionnel et, partant, la restitution par la banque des sommes indûment perçues par elle au titre des intérêts conventionnels non stipulés régulièrement à l’acte de prêt, excédant le taux légal, le jugement étant en cela infirmé ;

Attendu précisément, sur la demande en restitution des intérêts conventionnels indûment perçus par la banque depuis l’origine du prêt, que Madame X fait valoir que le taux légal substitué au taux conventionnel mentionné à l’acte de prêt ne peut être que celui en vigueur au jour du contrat, soit le taux légal de 0,65 % en vigueur en 2010. 

Année lombarde et TEG erroné : pour la Cour de Cassation, la sanction est l'application du taux légal au lieu du taux conventionnel.


Par un arrêt en date du 29 novembre 2017 (pourvoi 16-17802), la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a rappelé que la sanction du calcul des intérêts sur 360 jours n'est pas la déchéance du droit aux intérêts de la Banque, mais "la substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel à compter de la date de conclusion du prêt".

La motivation de cet arrêt est la suivante :

"Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;


Attendu que pour dire que M. X... reste débiteur envers la banque d'une certaine somme, outre intérêts, l'arrêt, après avoir retenu que la banque, qui avait calculé le taux de l'intérêt conventionnel sur une base de trois cent soixante jours et non de trois cent soixante-cinq jours, devait être déchue de son droit à intérêts, en déduit que cette déchéance entraîne « l'inéligibilité » des intérêts de retard et autres clauses pénales ; 

Qu'en statuant ainsi, alors que la sanction de l'inexactitude du taux effectif global, résultant de l'application d'un taux d'intérêt sur une base autre que l'année civile pour un prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, consiste seulement en la substitution de l'intérêt légal au taux conventionnel à compter de la date de conclusion du prêt, les intérêts de retard au taux légal et pénalités demeurant dus, la cour d'appel a violé le texte susvisé ".

En dépit de la résistance de certains Tribunaux, la position de la Cour de Cassation demeure donc inchangée.


En cas de calcul des intérêts sur une base de 360 jours au lieu de l'année civile, la sanction encourue est l'application du taux d'intérêt légal au lieu du taux conventionnel.

La Cour de Cassation précise également que c'est cette sanction qui est applicable en cas d'inexactitude du Taux Effectif Global (TEG), dans les termes suivants :

"Attendu que l'inexactitude de la mention du taux effectif global dans l'acte de prêt n'est pas sanctionnée par la déchéance totale du droit aux intérêts mais seulement par la substitution de l'intérêt au taux légal à compter de la date de conclusion du prêt". 

Cet arrêt est particulièrement intéressant au regard de la position de certains Tribunaux.

mercredi 10 janvier 2018

Année lombarde : deux clients de Maître Yann Gré obtiennent le remboursement de plus de 47.000 Euros.

Deux clients du Cabinet de Maître Yann Gré viennent d'être destinataires d'un chèque de 47117,55 Euros de leur Banque après avoir contesté le calcul des intérêts de leur prêt sur 360 jours.

Une telle action peut donc toujours permettre d'espérer obtenir un gain important.

samedi 6 janvier 2018

Publication du Taux Légal pour le premier semestre 2018

Le Taux Légal applicable au premier semestre 2018 a été fixé par un arrêté en date du 28 décembre 2017, publié au Journal Officiel du 30 décembre 2017.

Ce taux est fixé à 0,89 % dans le cas général et à 3,73 %, pour les créances des personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels. 

Le texte de cet arrêté peut être consulté en cliquant sur ce lien.

Cautionnement : une décision importante


Un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en date du 15 novembre 2017 (pourvoi n°16-16790)  apporte une précision importante quant à la validité d'un engagement de cautionnement. 

La Cour de Cassation considère que lorsqu'une Banque fait souscrire un engagement de cautionnement à une personne non avertie alors que l'opération projetée était vouée à l'échec dès son lancement, cette Banque manque à son devoir de mise en garde, peu important que l'engagement soit adapté aux capacités financières de la caution.

La Cour de Cassation confirme en conséquence un arrêt d'appel qui avait condamné une Banque au paiement d'une somme de 40.000 Euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à son devoir de mise en garde.

Ceci signifie donc que dès lors qu'il sera démontré que l'opération garantie était vouée à l'échec, la caution pourra rechercher la responsabilité de la Banque pour tenter de se décharger de tout ou partie de ses obligations. 

Le texte complet de cette décision est le suivant :


Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 14 décembre 2015), qu'en vue de financer le prix d'acquisition d'un fonds de commerce d'un montant de 60 000 euros, la société Banque populaire Occitane (la banque) a, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société X..., dont la gérante était Mme X..., un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme X...; qu'assignée en paiement, celle-ci a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ; 

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme X...la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen : 

1°/ qu'il résulte de l'article 1147 du code civil que s'il n'existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d'endettement né de l'octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde ; qu'au cas présent, la cour d'appel qui constate que l'engagement de caution de Mme X...n'était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme X..., ne pouvait décider que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article susvisé ; 

2°/ qu'il résulte de l'article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d'apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l'alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait justifier un manquement de la banque à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d'opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l'opération projetée et sur les capacités pour la société d'injecter des capitaux dans l'affaire, sans violer l'article susvisé ; 

Mais attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ; qu'après avoir constaté que Mme X...n'était pas une caution avertie et retenu que l'opération était vouée à l'échec dès son lancement, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l'égard de Mme X...à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi.

jeudi 4 janvier 2018

Droit du travail : le décret du 29 décembre 2017


Conséquence des ordonnances MACRON réformant le droit du travail, le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 innove en proposant des modèles types de lettres de licenciement des salariés du secteur privé, à destination des employeurs.

Ce décret propose en annexe six modèles de lettres de licenciement correspondant à six situations distinctes :

- Licenciement pour motif personnel disciplinaire ; 

- Licenciement pour inaptitude ; 

- Licenciement pour motif personnel non disciplinaire ; 

- Licenciement pour motif économique individuel ; 

- Licenciement pour motif économique, pour les petites licenciements collectifs (moins de 10 salariés dans une même période de trente jours ou au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours dans une entreprise de moins de 50 salariés) : 

- Licenciement pour motif économique (grands licenciements collectifs avec plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) : au moins 20 licenciements sur une même période de trente jours dans une entreprise de plus de 50 salariés).

Ce décret et les modèles types concernés peuvent être consultés en cliquant sur ce lien.

Il convient de souligner que ces modèles sont relativement complexes.

mercredi 3 janvier 2018

Fonds Communs de Titrisation (FCT) : précisions utiles


Des particuliers, de plus en plus nombreux, se trouvent confrontés à des poursuites engagées pour le compte de Fonds Communs de Titrisation (FCT).

Ces particuliers reçoivent des courriers leur indiquant qu'un FCT aurait acquis une créance, souvent très ancienne, à leur encontre.

Il leur en est réclamé le paiement, ainsi que celui d'intérêts parfois plus élevés que la créance elle-même, en des termes très menaçants.

Par un arrêt en date du 13 décembre 2017 (pourvois n°16-10.681 et 16-24.853), la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation apporte des précisions utiles concernant les poursuites susceptibles d'être engagées au nom et pour le compte de ces Fonds Communs des Titrisation.

La Cour de Cassation rappelle qu'en vertu des dispositions du Code Monétaire et Financier, un Fonds Commun de Titrisation ne dispose pas de la personnalité juridique.

Il doit dès lors être représenté par une société de gestion.

Toutefois, la Cour de Cassation précise que ce gestionnaire n'a, a priori, pas vocation à assurer le recouvrement des créances pour le compte du FCT.

Pour la Cour de Cassation, il appartient en effet à celui transfère des créances au FCT, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances.

La Cour considère que pour que la société gestionnaire du FCT puisse exercer une action en recouvrement pour le compte de ce dernier, il est nécessaire d'adresser au débiteur une lettre lui précisant que le recouvrement des créances sera désormais confié à cette société gestionnaire.

A défaut de justification de l'envoi d'un tel courrier, la demande formée par la société de gestion pour le compte du FCT devra être déclarée irrecevable.

C'est précisément le cas dans l'affaire qui était soumise à la Cour de Cassation, dans laquelle la demande de condamnation formée pour le compte du FCT a été rejetée.

Il conviendra donc de s'assurer de l'existence d'une telle lettre dans le cadre d'une procédure judiciaire initiée pour le compte d'un FCT.

La motivation de cette décision est la suivante :

"Attendu qu’il résulte de l’application combinée des articles L. 214-172 et L. 214-180 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013, applicable en l’espèce, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l’égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d’exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple ; qu’ayant relevé qu’aucune désignation précise n’avait été faite de l’entité chargée du recouvrement des créances cédées au fonds et qu’il n’était pas justifié que le débiteur ait été informé d’un éventuel changement à cet égard, c’est à bon droit que la cour d’appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif au contenu du bordereau de cession, critiqué par la deuxième branche, a retenu que, si la société de gestion GTI était effectivement le représentant légal du fonds sans avoir besoin d’un pouvoir ou d’un mandat, elle n’était pas, pour autant, expressément chargée du recouvrement des créances cédées, ce recouvrement s’entendant notamment de l’action en justice nécessaire, et en a déduit que, faute de qualité à agir à cette fin, l’action en paiement qu’elle avait formée contre M. X... était irrecevable".

Le texte complet de cet arrêt peut être consulté en cliquant sur ce lien.

Année lombarde : décisions récentes

De multiples décisions récentes continuent à sanctionner la pratique de l'année lombarde par les Banques. 

(Cette pratique consiste à calculer les intérêts d'un prêt sur une année fictive de 360 jours et non sur l'année civile).

Ainsi, à titre d'exemple, par arrêt en date du 28 novembre 2017 (Première Chambre, RG N° 17/02300) , la Cour d'Appel de Pau a confirmé un jugement ayant condamné le CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES GASCOGNE.

Cette Cour a jugé que la pratique de l'année lombarde n'était pas conforme aux dispositions du Code de la Consommation de sorte que la stipulation d'intérêts était entachée de nullité.

Elle précise en outre que le taux légal de l'année de souscription du prêt doit s'appliquer.


Par ailleurs, par un jugement également en date du 28 novembre 2017 (RG n°11-1001013), le Tribunal d'Instance de Béthune a apporté des précisions importantes concernant la problématique de la prescription.

Un particulier soulevait la nullité de la clause d'intérêt d'un prêt consenti par la Caisse d'Epargne Nord France Europe.

Le Tribunal a estimé que la demande n'était pas prescrite, en dépit du fait que le prêt remontait à plus de cinq ans au motif que "la seule mention dans les conditions particulières de l'acte, de ce que les intérêts étaient calculés sur le montant du capital restant dû ... sur la base d'une année bancaire de 360 jours est insuffisante pour rapporter la preuve de la connaissance certaine, par l'emprunteur, de l'irrégularité susceptible d'en résulter au regard des dispositions du Code de la Consommation".

Le Tribunal relève en outre qu'il "est constant que la condamnation de la pratique des clauses lombardes est récente et qu'elle faisait l'objet d'une diffusion restreinte et peu accessible pour un emprunteur avant l'arrêt de principe de la première chambre de la Cour de Cassation du 19 juin 2013".

Le Tribunal considère donc que c'est à compter de cette décision de 2013 que la prescription est susceptible de courir.

Cette précision est particulièrement intéressante.