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dimanche 4 décembre 2022

Devoir de mise en garde du banquier : des précisions importantes


Un arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n°21-16.846) précise les modalités du devoir de mise en garde dont les Banque sont débitrices.

La Cour de Cassation considère que, pour apprécier l'étendue de ce devoir de mise en garde, il est nécessaire de prendre en compte la valeur du bien immobilier financé par l'emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat.

Le texte complet de ce arrêt est le suivant :

Faits et procédure 

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 14 février 2020), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère (la banque) a consenti à Mme [N] (l'emprunteur) un prêt destiné à l'acquisition d'un bien immobilier constituant sa résidence principale.

2. Des échéances étant demeurées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt, puis a assigné l'emprunteur en paiement. A titre reconventionnel, celui-ci a demandé la condamnation de la banque à lui payer des dommages-intérêts en soutenant qu'elle avait manqué à son obligation de mise en garde.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'emprunteur une indemnité égale au montant de ce qu'elle demeure lui devoir en exécution du prêt qu'elle lui a consenti et d'ordonner la compensation entre leurs obligations respectives, alors « que l'établissement de crédit prêteur de deniers n'est pas débiteur d'une obligation de mise en garde envers l'emprunteur, lorsque celui-ci, à la date où il s'est engagé, disposait de capacités financières lui permettant de faire face à son engagement, et ne se trouvait pas, par conséquent, exposé à un risque d'endettement ; que quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ; qu'en énonçant, pour retenir que la banque était débitrice d'une obligation de mise en garde envers l'emprunteur d'une part, que "la circonstance que l'opération ait été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l'emprunteur", et, d'autre part, qu'"il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l'objet du prêt, dès lors que le financement accordé par la banque était précisément destiné à permettre à l'emprunteur d'accéder à la propriété de façon pérenne, et non d'investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation", la cour d'appel, qui dispense objectivement l'emprunteur de remplir son engagement, sur son bien immobilier, a violé les articles 1147 ancien, 2284 et 2285 du code civil. »

Réponse de la Cour 

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

4. Il résulte de ce texte que, pour apprécier les capacités financières et le risque d'endettement d'un emprunteur non averti, doivent être pris en considération ses biens et revenus.

5. Pour condamner la banque à payer des dommages-intérêts à l'emprunteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde, l'arrêt retient que la circonstance que l'opération ait été financée en partie grâce à un apport personnel est sans incidence sur les capacités de remboursement de l'emprunteur et qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de la résidence principale faisant l'objet du prêt, dès lors que le financement accordé était destiné à lui permettre d'accéder à la propriété de façon pérenne, et non d'investir avec le projet de revendre l'immeuble et de rembourser le prêt par anticipation.

6. En statuant ainsi, sans prendre en compte la valeur du bien immobilier financé par l'emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère à payer à Mme [N] la même somme à laquelle elle est condamnée au profit de la banque, avec compensation, l'arrêt rendu le 14 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne Mme [N] aux dépens ; 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.


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