Plusieurs décisions récentes ont donné raison à des emprunteurs qui contestaient la régularité de prêts immobiliers soumis à l'année lombarde (calcul des intérêts sur une année fictive de 360 jours).
Par un arrêt en date du 8 octobre 2019, la Première Chambre Civile et Commerciale de la Cour d’Appel de Besançon (RG N°18/01156) a sanctionné la pratique de l’année lombarde en retenant le caractère abusif de la clause du contrat de prêt relative au calcul des intérêt sur 360 jours, en retenant l’argumentation suivante :
« Attendu qu’aux termes de l’article L.132-1 précité dans sa version alors en vigueur, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Qu’en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse ; que sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161 et 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat ;
Que M. X fait valoir que l’article 2 alinéa 3 des conditions générales figurant en page 4 de son offre de prêt libellée ainsi qu’il suit est abusive comme générant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties :
« Les intérêts courus entre deux échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l’an. En cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exact de la période écoulée, rapportés à 360 jours l’an. Nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exact des intérêts rapportés à 365 jours l’an » ;
Qu’il estime qu’une telle clause est abusive en ce qu’elle ne lui a pas permis de comprendre la différence qui pourrait exister entre ce calcul des intérêts sur la base d’une année dite lombarde et un calcul effectué sur la base de 365 jours ; qu’il se prévaut à cet effet de la recommandation n° 05-02 du 14 avril 2005 de la commission des clauses abusives qui considère qu’une clause insérée dans un contrat d’ouverture de compte de dépôt, qui prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours et qui ne tient donc pas compte de la durée réelle de l’année civile et ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et doit par conséquent être réputée non écrite comme abusive ;
Que si cette recommandation vise les contrats d’ouverture de comptes de dépôt, elle est nécessairement transposable aux calculs d’intérêts faisant intervenir un taux quotidien, tels les intérêts intercalaires des prêts immobiliers ;
Attendu qu’il n’est pas contesté que M. X est un emprunteur non professionnel ; qu’il est admis de façon constante par la haute juridiction au visa des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L.313-1, L.313-2 et R.313-1 du code de la consommation que le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base de l’année civile ;
Qu’il importe peu dès lors que l’appelante tente de se prévaloir de l’absence de surcoût d’intérêts ou de l’équivalence des calculs au motif que les intérêts contractuels seraient dans les deux cas, 360 ou 365 jours, calculés sur une base de 1/12e lorsque le contrat précise dans ses conditions générales que les intérêts seront calculés sur le montant du capital restant dû, au taux fixé aux conditions particulières sur la base d’une année bancaire de 360 jours, dès lors que c’est la clause elle-même qui, en privant l’emprunteur de la capacité de calculer le surcoût clandestin qu’induit cette référence à l’année lombarde, a créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
Qu’au regard de l’article L.111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat en cause, le contrat de prêt doit mentionner les caractéristiques essentielles du crédit et en particulier son taux et les modalités de son application ;
Qu’il s’ensuit donc que, la clause litigieuse et le taux conventionnel mentionné au contrat et à l’avenant qui reprend le même taux conventionnel, formant un tout indivisible, aucun taux annuel conventionnel n’a été valablement stipulé dans l’offre et dans son avenant à défaut de mode de calcul valide le définissant ;
Que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré abusive et, partant, non écrite la clause susvisée ;
* Sur la sanction applicable,
Attendu que l’absence de stipulation valide d’un taux d’intérêt conventionnel emporte substitution du taux d’intérêt légal à l’intérêt conventionnel invalidé et ce, depuis l’origine du contrat et pour les échéances à venir jusqu’à la fin du prêt, sans qu’il soit besoin d’examiner en l’espèce les développements relatifs au caractère erroné du TEG ».
Cette décision est particulièrement intéressante, notamment, en ce qu'elle se place sur le terrain des clauses abusives.
Par une décision en date du 7 novembre 2019, la Cour d'Appel de Chambéry (2ème Chambre, RG N° 18/01126) a également donné raison à l'emprunteur.
Cette décision indique ce qui suit :
Selon l’article 1907 du code civil, l’intérêt est soit légal, soit conventionnel, étant précisé que l’intérêt conventionnel ne peut excéder celui de la loi que lorsque la loi ne le prohibe pas. Le taux d’intérêts conventionnel doit être fixé par écrit.
L’article R.313-1 du code de la consommation et son annexe, devenu l’article R.314-3 du code de la consommation, relatif au calcul des intérêts conventionnels pour les prêts immobiliers, prévoit expressément que le calcul des intérêts doit être réalisé sur la base d’une année de 365 ou de 366 jours, un mois normalisé comptant 30,416 jours.
Les dispositions du code de la consommation sont d’ordre public.
La commission des clauses abusives a en outre, dans le cadre d’une recommandation n°05-02 du 20 septembre 2005, prohibé le recours à l’année de 360 jours.
Au regard de l’objet d’un contrat de prêt, le caractère irrégulier de la clause d’intérêts conventionnelle entraîne, par voie de conséquence, la substitution du taux légal au taux conventionnel et non la nullité de la stipulation d’intérêts conventionnelle.
Cette décision vise elle aussi le fondement des clauses abusives.