Yann Gré - Avocat à Créteil - www.yanngre.com

mardi 29 décembre 2020

Crédit à la consommation et bordereau de rétractation : une décision importante de la Cour de Cassation


Le contentieux relatif au bordereau de rétraction devant figurer sur les offres de crédit à la consommation est ancien.

Pendant longtemps, les Tribunaux ont sanctionné l'absence de ce bordereau par la déchéance du droit aux intérêts de la Banque, dès lors qu'un tel bordereau ne figurait pas sur l'exemple de l'offre remise par cette dernière au Tribunal.

La position de la Cour de Cassation avait cependant évolué et cette dernière avait inversé la charge de la preuve au détriment de l'emprunteur, qui devait prouver que ce bordereau ne lui avait pas été remis.

Par un arrêt en date du 21 octobre 2020 (Première Chambre Civile, pourvoi n° 19-18.971), la Cour de Cassation adopte une solution nettement plus favorable au consommateur.

Cette décision précise que la signature par l’emprunteur d'une offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur  lui a remis un bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Cet arrêt est bienvenu dans la mesure où il est très fréquent que les offres de prêt ne comportent pas de bordereau de rétraction mais indiquent, en très petits caractères, que l'emprunteur reconnait qu'un tel bordereau lui a été remis.

La déchéance du droit aux intérêts devra être prononcée dès lors que le prêteur ne sera pas en mesure de justifier de la remise effective du bordereau de rétractation à l'emprunteur.

Le texte complet de cette décision est le suivant :

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 2018), suivant acte du 5 février 2013, la société Cetelem, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), a consenti à M. X... (l’emprunteur) un crédit à la consommation.

2. A la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l’emprunteur, prononcé par jugement du 18 février 2015, la banque l’a, par actes des 8 et 9 juin suivants, assigné ainsi que l’UDAF des Hautes-Pyrénées, prise en qualité de curateur (le curateur), en paiement du solde du prêt. L’emprunteur a notamment demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts, en l’absence de remise du bordereau de rétractation prévu à l’article L. 311-12 du code de la consommation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. L’emprunteur et l’UDAF, ès qualités, font grief à l’arrêt de rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts et de condamner le premier au paiement d’une certaine somme à la banque, alors «  qu’il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu’il a remis à l’emprunteur le formulaire de rétractation détachable visé par l’article L. 311-12 du code de la consommation ; que, si l’existence d’une clause au sein de l’offre de prêt aux termes de laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation peut être considérée comme un indice, il appartient à l’emprunteur d’établir d’autres éléments à l’effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation ; qu’en décidant que le seul fait que l’emprunteur ait reconnu, à travers une clause de l’offre de prêt, la remise du bordereau permettait de présumer la réalité de la remise du bordereau sans constater l’existence d’autres éléments de nature à corroborer la réalité de l’exécution de son obligation par l’emprunteur, la cour d’appel a violé les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, pris en leur rédaction applicable à la cause.  »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

5. Il résulte de ces textes que, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

6. Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.

7. Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

8. L’arrêt de la Cour précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).

9. Il s’ensuit qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que, contrairement à ce qu’a précédemment jugé la Cour de cassation (1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14.122, Bull. 2013, I, n° 7), la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

10. Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l’emprunteur, l’arrêt énonce que la reconnaissance écrite par celui-ci, dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective et que l’emprunteur n’apporte pas la preuve de l’absence de remise du bordereau de rétractation par le prêteur ou à défaut de son caractère irrégulier.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X... à payer à la société BNP Personal Finance la somme de 23 687,71 euros à titre principal avec intérêts au taux contractuel de 6,69 % à compter du 18 février 2015, l’arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.


dimanche 27 décembre 2020

Maître Yann Gré a été élu membre du Conseil de l'Ordre du Barreau du Val de Marne.



Suite aux élections ordinales qui se sont déroulées le 24 novembre 2020, Maître Yann Gré a été élu membre du Conseil de l'Ordre du Barreau du Val de Marne pour les années 2021, 2022 et 2023.



TEG erroné : Maître Yann Gré fait condamner COFIDIS et la BNP PARIBAS.

Si certains Tribunaux ont choisi d'adopter une position hostile aux contestations relative au Taux Effectif Global (TEG) d'un prêt, cette position est loin d'être généralisée.

Maître Yann Gré vient ainsi d'obtenir la condamnation de la société COFIDIS par le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal de Proximité de Villejuif (94).


Le Tribunal a suivi l'argumentation de Maître Yann Gré et a, par jugement en date du 30 novembre 2020 (RG 1-19-002061) : 

- Prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts figurant dans l'offre de crédit signée le 7 octobre 2016 ;

- Dit que le taux d'intérêt débiteur stipulé dans l'offre de prêt sera substitué par le taux d'intérêt légal du 2ème semestre 2016 à compter du 7 octobre 2016, date de la conclusion du contrat ;

- Ordonné à la société COFIDIS d'établir un nouveau tableau d'amortissement sur la base du taux légal avec effet à la date de conclusion du contrat à communiquer à Monsieur X, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du jour suivant la signification de la présente décision pendant un délai de deux mois à l'issue duquel il sera à nouveau statué ;

- Condamné la société COFIDIS à restituer à Monsieur X le surplus d'intérêts versés par le débiteur ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Condamné la société COFIDIS à payer à Monsieur X une indemnité de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de cette décision, le Tribunal a, notamment, sanctionné l'absence d'indication du taux de période sur l'offre de prêt.

De même, par jugement en date du 18 novembre 2020, le Tribunal Judiciaire d'Orléans (RG n°18/00927) a donné raison à des clients de Maître Yann Gré, qui contestaient la régularité du TEG d'un prêt qui leur avait été consenti par la BNP PARIBAS.



Le Tribunal a prononcé une déchéance partielle du droit de la banque aux intérêts et a réduit le taux d'intérêt applicable au prêt en enjoignant à la Banque d'établir un nouveau tableau d'amortissement sous astreinte de 30 Euros par jour de retard.

Il a également condamné la Banque au paiement d'une indemnité de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.