Par un arrêt
rendu le 28 novembre 2012, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n°11-26508) avait
jugé que le délai de prescription de
deux ans prévu par l’article L 137-2 du Code de la Consommation s’appliquait,
notamment, aux crédits immobiliers consentis aux particuliers par des
organismes de crédit.
L’arrêt rendu le 10 juillet 2014 par la Première Chambre Civile de cette
Cour (pourvoi n° 13-15511) précisait que « le point de départ du délai
de prescription biennale … se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou
aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée,
soit, dans le cas d’une action en paiement au titre d’un crédit
immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du
premier incident de paiement non régularisé ».
La question se posait cependant souvent,
en pratique, de savoir si un règlement effectué postérieurement à ce « premier
incident non régularisé » était susceptible d’interrompre la prescription
biennale.
L’arrêt rendu le 9 juillet 2015 (pourvoi
n° 14-15314) par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation apporte une
solution bienvenue à cette question.
Cet arrêt précise en effet qu’ « aucun
paiement ultérieur ne valoir régularisation d’un incident de paiement »
et interrompre la prescription.
Dans l’affaire qui lui était soumise, la
Cour de Cassation a considéré que le prononcé la déchéance du terme avait
rendu la créance exigible de sorte que la Banque aurait dû initier une
procédure de saisie immobilière dans un délai de deux ans, même en présence de
règlements effectués durant cette période par le débiteur.
Il apparaît donc, au vu de cette décision,
que toute procédure initiée par une Banque contre un débiteur non professionnel
au titre d’un contrat de prêt plus de deux ans après le prononcé de la
déchéance du terme devra être déclarée prescrite, même si le débiteur a
effectué des règlements dans l’intervalle.
Le texte complet de cette décision est
le suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint Denis, chambre d'appel de Mamoudzou, 17 janvier 2014), que la société BRED Banque populaire (la banque), qui avait consenti à M. X..., suivant acte authentique du 14 décembre 2006, un prêt immobilier dont certaines échéances sont demeurées impayées, a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre du débiteur qui a soutenu que l'action de la banque était tardive ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de dire son action forclose, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut méconnaître les limites du litige, telles qu'elles sont définies par les conclusions respectives des parties ; qu'en l'espèce où elle était uniquement saisie par la banque exposante de l'appel d'une décision du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière et non d'une action en paiement, la cour d'appel en déclarant forclose « l'action en paiement » de la banque, a méconnu les termes du litige et violé, en conséquence, les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que la procédure de saisie immobilière n'est pas soumise au délai de forclusion de l'article L. 311-52 du code de la consommation selon lequel les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion ; que la cour d'appel, en énonçant, pour dire forclose l'action de la banque agissant en matière de saisie immobilière, que cette dernière devait avoir commencé les opérations de recouvrement par une signification d'huissier de justice, soit en l'espèce s'agissant d'un prêt hypothécaire résultant d'un acte authentique, un commandement de payer valant saisie, dans le délai de deux ans à compter du premier incident de payer non régularisé, a violé, par fausse application, l'article L. 311-52 du code de la consommation ;
3°/ que le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; qu'en énonçant, pour dire forclose l'action en paiement de la banque à l'encontre du débiteur, que les conditions générales du contrat de prêt immobilier avaient prévu au titre « contentieux » que les actions devaient à peine de forclusion être engagées dans un délai de deux ans de l'événement qui leur avait donné naissance et que les parties avaient décidé contractuellement que ce délai biennal était un délai préfix, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs éventuelles observations sur ce point, la cour d'appel qui s'est fondée sur un moyen qu'elle a relevé d'office a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ que les parties au contrat de prêt avaient convenu que les actions engagées devant le tribunal d'instance étaient soumises à un délai de forclusion qui est préfix ; que la cour d'appel, qui était saisie de l'appel d'une décision du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière, en se fondant, pour dire forclose l'action de la banque, sur la circonstance que les conditions générales du contrat de prêt immobilier avaient prévu au titre « contentieux » que les actions devaient à peine de forclusion être engagées dans un délai de deux ans de l'événement leur ayant donné naissance et que les parties avaient décidé contractuellement que ce délai biennal était un délai préfix, a violé l'article 1134 du code civil ;
5°/ que lorsque le litige a pour cause la défaillance de l'emprunteur, le point de départ du délai de forclusion de l'action en paiement est le premier incident de paiement non régularisé et qu'à ce titre, si un premier incident survient, mais que l'emprunteur continue par la suite à rembourser partiellement les sommes empruntées, ces paiements doivent s'imputer sur les échéances les plus anciennes, de sorte que l'incident est considéré comme régularisé, et que le délai de forclusion ne peut courir qu'à compter d'un nouvel impayé non régularisé ; qu'en l'espèce où le premier incident de paiement remontait au 30 janvier 2009 et où l'emprunteur avait par la suite continué à effectuer des remboursements de l'emprunt, la cour d'appel en énonçant, pour dire forclose l'action en paiement de la banque à l'encontre du débiteur, que ces versements n'étaient pas susceptibles de permettre une régularisation reportant le premier incident de paiement non régularisé, de sorte que la BRED devait engager son action en paiement au plus tard le 30 janvier 2011, la cour d'appel a violé l'article L. 311-52 du code de la consommation, ensemble l'article 1256 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que la saisie immobilière est une action en paiement en ce qu'elle tend au recouvrement de la créance ; qu'ensuite, l'arrêt constate que la déchéance du terme a été prononcée le 5 juin 2009, de sorte que la créance était devenue exigible à cette date, sans qu'aucun paiement ultérieur puisse valoir régularisation d'un incident de paiement ; qu'enfin, la cour d'appel a retenu que le premier acte régulier de poursuite, constitué par le commandement de payer valant saisie, n'avait été délivré que le 24 décembre 2012, de sorte qu'ayant ainsi fait ressortir qu'aucun acte suspensif ou interruptif de prescription n'avait été accompli, elle a pu en déduire qu'était tardive l'action de la banque, qui avait laissé s'écouler plus de deux années sans accomplir aucun acte de poursuite, peu important dans ces circonstances qu'elle ait qualifié le délai de forclusion ou de prescription ; que le moyen, qui est inopérant en sa troisième branche, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.