Yann Gré - Avocat à Créteil - www.yanngre.com

dimanche 23 juin 2019

TEG erroné : sanction confirmée


Par un arrêt en date du 5 juin 2019, la Cour de Cassation (1ère Chambre Civile, pourvoi n°18.17863) a, à nouveau, confirmé que "l’inexactitude du TEG dans tout acte de prêt est sanctionnée par la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel".

Cette décision, qui fait suite à celle du 22 mai 2019, est donc particulièrement favorable aux emprunteurs.

Le texte de cet arrêt est le suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte du 14 novembre 2012, M. X (l’emprunteur) a souscrit auprès de la société Banque CIC Est (la banque) un prêt personnel d’une durée de trois mois, d’un montant de 80 000 euros, assorti d’un taux effectif global (TEG) de 0,568 % mensuel ; qu’à la suite de la défaillance de l’emprunteur, la banque l’a assigné en remboursement ; qu’il a sollicité la déchéance du droit de celle-ci aux intérêts conventionnels et sa condamnation à l’indemniser en raison du manquement à son devoir de conseil et de mise en garde ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que l’emprunteur fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu qu’après avoir relevé que l’emprunteur était gérant salarié de la société luxembourgeoise Gelied, qui présentait des liens capitalistiques avec la société Distrifood dont elle détenait 49 % des parts, et qu’il possédait une connaissance fine des difficultés financières rencontrées par cette dernière, la cour d’appel a souverainement estimé que son expérience professionnelle et son implication active dans la résolution des problèmes de cette société permettaient de le considérer comme emprunteur averti ; que le moyen, irrecevable comme nouveau en sa dernière branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1907, alinéa 2, du code civil et L. 313-4 du code monétaire et financier, ensemble les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu que, pour rejeter la demande de l’emprunteur tendant à la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel, l’arrêt retient que le prêt litigieux n’est ni un crédit à la consommation ni un crédit immobilier, de sorte qu’il est exclu du champ d’application des dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation relatives au TEG ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’inexactitude du TEG dans tout acte de prêt est sanctionnée par la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel, qui avait été en l’espèce demandée par l’emprunteur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X à payer à la société Banque CIC Est la somme de 89 965,38 euros ...

lundi 3 juin 2019

TEG erroné : la Cour de Cassation confirme que la sanction est la nullité de la stipulation d'intérêts.


Certains Tribunaux ont tendance à considérer que la sanction applicable en cas de Taux Effectif Global (TEG) erroné serait la déchéance du droit aux intérêts de la Banque et non la nullité de la clause d'intérêts.

Pour ces Tribunaux, cette déchéance pourrait n'être que partielle ou même symbolique.

Toutefois par un arrêt en date du 22 mai 2019 (1ère Chambre Civile, pourvoi n° 18-16281), la Cour de Cassation vient mettre un terme à cette polémique, en rappelant de manière très nette les règles applicables.

Elle rappelle, dans des termes de principe que "l'inexactitude du TEG dans un acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts" et casse un arrêt de la Cour d'Appel de Paris qui avait jugé que la seule sanction applicable était la déchéance du droit aux intérêts de la Banque.

Le texte complet de cette décision est le suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre acceptée le 23 août 2010, la société Axa banque (la banque) a consenti à M. ... ... ... ... (l'emprunteur) un prêt immobilier d'un montant de 250 000 euros au taux effectif global (TEG) de 4,45 % ; que, se prévalant de l'inexactitude de ce taux figurant dans l'acte de prêt, l'emprunteur a assigné la banque en annulation de la stipulation d'intérêts, en substitution de l'intérêt au taux légal et en remboursement des intérêts indus à compter de l'assignation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 71 et 122 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire irrecevable sa demande en nullité de la stipulation d'intérêts et rejeter ses demandes en dommages- intérêts, l'arrêt énonce que l'emprunteur argumente au fond et que sa demande en nullité de la stipulation d'intérêts est irrecevable au regard des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation qui ne sanctionne l'irrégularité du TEG que par la déchéance du droit aux intérêts, et non par la nullité de la stipulation d'intérêts ; qu'il ajoute que l'emprunteur ne saurait disposer d'une option entre ces deux actions, sauf à vider de toute substance les dispositions d'ordre public des articles L. 312-1 et suivants du code précité et à priver le juge de la possibilité de prévoir une sanction proportionnée à la gravité des faits, en contradiction avec les directives européennes, qui ont pour objectif de donner au TEG une fonction comparative ;

Qu'en statuant ainsi, en examinant au fond la demande de l'emprunteur, tout en la déclarant irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Vu les articles L. 312-33, L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, ensemble l'article 1907 du code civil ;

Attendu que, pour dire irrecevable la demande de l'emprunteur tirée de l'inexactitude tant du TEG que des intérêts conventionnels dans l'acte de prêt, l'arrêt retient que celui-ci ne disposait pas d'option entre nullité ou déchéance, et qu'il pouvait invoquer la seule déchéance du droit aux intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'inexactitude du TEG dans un acte de prêt est sanctionnée par la nullité de la stipulation d'intérêts, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Axa Banque aux dépens.