Yann Gré - Avocat à Créteil - www.yanngre.com

mardi 29 décembre 2020

Crédit à la consommation et bordereau de rétractation : une décision importante de la Cour de Cassation


Le contentieux relatif au bordereau de rétraction devant figurer sur les offres de crédit à la consommation est ancien.

Pendant longtemps, les Tribunaux ont sanctionné l'absence de ce bordereau par la déchéance du droit aux intérêts de la Banque, dès lors qu'un tel bordereau ne figurait pas sur l'exemple de l'offre remise par cette dernière au Tribunal.

La position de la Cour de Cassation avait cependant évolué et cette dernière avait inversé la charge de la preuve au détriment de l'emprunteur, qui devait prouver que ce bordereau ne lui avait pas été remis.

Par un arrêt en date du 21 octobre 2020 (Première Chambre Civile, pourvoi n° 19-18.971), la Cour de Cassation adopte une solution nettement plus favorable au consommateur.

Cette décision précise que la signature par l’emprunteur d'une offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur  lui a remis un bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Cet arrêt est bienvenu dans la mesure où il est très fréquent que les offres de prêt ne comportent pas de bordereau de rétraction mais indiquent, en très petits caractères, que l'emprunteur reconnait qu'un tel bordereau lui a été remis.

La déchéance du droit aux intérêts devra être prononcée dès lors que le prêteur ne sera pas en mesure de justifier de la remise effective du bordereau de rétractation à l'emprunteur.

Le texte complet de cette décision est le suivant :

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 29 novembre 2018), suivant acte du 5 février 2013, la société Cetelem, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la banque), a consenti à M. X... (l’emprunteur) un crédit à la consommation.

2. A la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l’emprunteur, prononcé par jugement du 18 février 2015, la banque l’a, par actes des 8 et 9 juin suivants, assigné ainsi que l’UDAF des Hautes-Pyrénées, prise en qualité de curateur (le curateur), en paiement du solde du prêt. L’emprunteur a notamment demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts, en l’absence de remise du bordereau de rétractation prévu à l’article L. 311-12 du code de la consommation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. L’emprunteur et l’UDAF, ès qualités, font grief à l’arrêt de rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts et de condamner le premier au paiement d’une certaine somme à la banque, alors «  qu’il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu’il a remis à l’emprunteur le formulaire de rétractation détachable visé par l’article L. 311-12 du code de la consommation ; que, si l’existence d’une clause au sein de l’offre de prêt aux termes de laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation peut être considérée comme un indice, il appartient à l’emprunteur d’établir d’autres éléments à l’effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation ; qu’en décidant que le seul fait que l’emprunteur ait reconnu, à travers une clause de l’offre de prêt, la remise du bordereau permettait de présumer la réalité de la remise du bordereau sans constater l’existence d’autres éléments de nature à corroborer la réalité de l’exécution de son obligation par l’emprunteur, la cour d’appel a violé les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, pris en leur rédaction applicable à la cause.  »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

5. Il résulte de ces textes que, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

6. Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.

7. Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

8. L’arrêt de la Cour précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).

9. Il s’ensuit qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que, contrairement à ce qu’a précédemment jugé la Cour de cassation (1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14.122, Bull. 2013, I, n° 7), la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

10. Pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l’emprunteur, l’arrêt énonce que la reconnaissance écrite par celui-ci, dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective et que l’emprunteur n’apporte pas la preuve de l’absence de remise du bordereau de rétractation par le prêteur ou à défaut de son caractère irrégulier.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X... à payer à la société BNP Personal Finance la somme de 23 687,71 euros à titre principal avec intérêts au taux contractuel de 6,69 % à compter du 18 février 2015, l’arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.


dimanche 27 décembre 2020

Maître Yann Gré a été élu membre du Conseil de l'Ordre du Barreau du Val de Marne.



Suite aux élections ordinales qui se sont déroulées le 24 novembre 2020, Maître Yann Gré a été élu membre du Conseil de l'Ordre du Barreau du Val de Marne pour les années 2021, 2022 et 2023.



TEG erroné : Maître Yann Gré fait condamner COFIDIS et la BNP PARIBAS.

Si certains Tribunaux ont choisi d'adopter une position hostile aux contestations relative au Taux Effectif Global (TEG) d'un prêt, cette position est loin d'être généralisée.

Maître Yann Gré vient ainsi d'obtenir la condamnation de la société COFIDIS par le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal de Proximité de Villejuif (94).


Le Tribunal a suivi l'argumentation de Maître Yann Gré et a, par jugement en date du 30 novembre 2020 (RG 1-19-002061) : 

- Prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts figurant dans l'offre de crédit signée le 7 octobre 2016 ;

- Dit que le taux d'intérêt débiteur stipulé dans l'offre de prêt sera substitué par le taux d'intérêt légal du 2ème semestre 2016 à compter du 7 octobre 2016, date de la conclusion du contrat ;

- Ordonné à la société COFIDIS d'établir un nouveau tableau d'amortissement sur la base du taux légal avec effet à la date de conclusion du contrat à communiquer à Monsieur X, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter du jour suivant la signification de la présente décision pendant un délai de deux mois à l'issue duquel il sera à nouveau statué ;

- Condamné la société COFIDIS à restituer à Monsieur X le surplus d'intérêts versés par le débiteur ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts ;

Condamné la société COFIDIS à payer à Monsieur X une indemnité de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de cette décision, le Tribunal a, notamment, sanctionné l'absence d'indication du taux de période sur l'offre de prêt.

De même, par jugement en date du 18 novembre 2020, le Tribunal Judiciaire d'Orléans (RG n°18/00927) a donné raison à des clients de Maître Yann Gré, qui contestaient la régularité du TEG d'un prêt qui leur avait été consenti par la BNP PARIBAS.



Le Tribunal a prononcé une déchéance partielle du droit de la banque aux intérêts et a réduit le taux d'intérêt applicable au prêt en enjoignant à la Banque d'établir un nouveau tableau d'amortissement sous astreinte de 30 Euros par jour de retard.

Il a également condamné la Banque au paiement d'une indemnité de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

lundi 5 octobre 2020

Un article du Parisien cite Maître Yann Gré, à propos d'un litige relatif à un rachat de créance.


 

Maître Yann Gré a été interrogé par LE PARISIEN dans le cadre d'un article paru le 5 octobre 2020, concernant la thématique du rachat de créances anciennes par des officines aux pratiques douteuses.

Vous pouvez consulter cet article en cliquant sur le lien suivant :

Une femme de ménage emprunte 30 000 francs il y a 22 ans, on lui réclame 30 000 euros !


dimanche 5 juillet 2020

TEG erroné : Maître Yann Gré fait condamner le CREDIT AGRICOLE par la Cour d’Appel de Paris.

La jurisprudence concernant la sanction des TEG erronés était progressivement devenue difficile à suivre. 

Des dossiers quasi identiques pouvaient en effet donner lieu à des décisions opposées, d’un Tribunal à l’autre.

Un arrêt et un avis rendus le 1er juin 2020 par la Première Chambre de la Cour de Cassation semblaient augmenter cette incertitude.

L’arrêt rendu le 1er juillet 2020 par le Pôle 5 Chambre 6 de la Cour d’Appel de Paris (RG N° 17/21838) semble donner une nouvelle grille de lecture concernant cette problématique.

Cet arrêt donne raison à des clients de Maître Yann Gré, qui contestaient des irrégularités affectant le prêt qu’ils avaient souscrits.

La Cour confirme que l’indication d’un TEG erroné, inférieur de plus d’une décimale au TEG réel, doit être sanctionnée.

En l’espèce, la Cour applique la sanction de la déchéance du droit aux intérêts de la Banque. 

Elle prononce cette déchéance à hauteur de 7.000 Euros, en prenant en compte « la durée initiale du prêt », mais également « l’importance de l’erreur relevée » (un peu plus d’une décimale).

La Banque est donc condamnée au rembourser cette somme de 7.000 Euros aux emprunteurs. Elle est également condamnée à rembourser une somme de 2.500 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile (frais de procédure), pour l’appel, ainsi qu’une somme de 1.800 Euros, sur le même fondement, pour la première instance.


lundi 8 juin 2020

Maître Yann Gré fait rejeter les demandes de la société INTRUM DEBT FINANCE.


Un client de Maître Yann Gré était poursuivi par la société INTRUM DEBT FINANCE, qui indiquait avoir acquis une créance à son encontre au titre d'un contrat de prêt.

Cette société avait obtenu une ordonnance d'injonction de payer le condamnant au paiement d'une somme de 12.917,61 Euros.

Maître Yann Gré a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance.

Par jugement en date du 12 mars 2020 (RG N°11-19-001177), le Tribunal de Proximité de Sucy en Brie a, en suivant l'argumentation de Maître Yann Gré, débouté la société INTRUM DEBT FINANCE de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une somme de 1.000 Euros au titre des frais de procédure.

jeudi 4 juin 2020

Saisie immobilière, Maître Yann Gré fait rejeter les demandes contre ses clients par le Tribunal de Cambrai.


Des clients de Maître Yann Gré avaient été démarchés pour acquérir un appartement à usage locatif, dans le cadre d'une opération de défiscalisation.

Cette acquisition avait été financée par la SOFIAP (CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE).

Cette opération s'était avérée totalement ruineuse de sorte que les emprunteurs avaient éprouvé des difficultés à rembourser leur prêt et avaient fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière devant le Tribunal Judiciaire de Cambrai.

Par jugement en date du 20 mai 2020 (RG N°20/00083), le Juge de l'Exécution de ce Tribunal a débouté la SOFIAP de ses demandes et condamné cette Banque au paiement d'une indemnité de 2.000 Euros au titre des frais de procédure.

Le Juge de l'Exécution a suivi l'argumentation de Maître Yann Gré selon laquelle le prononcé de la déchéance du terme n'était pas justifié au regard des dispositions contractuelles, qui prévoyaient le respect d'un délai de 15 jours entre l'envoi d'une mise en demeure et la notification de la déchéance du terme.

Cette décision est motivée de la manière suivante :

"Le cahier des charges annexé à l'offre de prêt, comportant les conditions générales du dit prêt, prévoient en son article 12 : « le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles sans qu'il soit besoin d'une autre formalité qu'une simple notification faite à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception » (... ) c) « à défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts, commissions, frais et accessoires, ainsi que toute somme avancée par le prêteur, quinze jours après mise en demeure par simple lettre recommandée ».

Il résulte sans ambiguïté de ce texte que la déchéance du terme ne peut intervenir, par LRAR, qu'après un délai de quinze jours suivant une mise en demeure par même forme.

En l'espèce, les mises en demeure d'avoir à régulariser les mensualités de retard, pour un total de 5 178,85 €, sont datées du 31 juillet 2017 ; elles ont été réceptionnées par les débiteurs, ainsi que cela résulte des accusés de réception, le 3 août 2018.

Ces mises en demeure précisaient que la régularisation devait intervenir, sous peine de déchéance du terme, dans le délai de quinze jours à compter de la date de réception du courrier, conformément aux dispositions contractuelles.

Aux termes de l'article 640 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de la notification qui le fait courir ne compte pas. Ce texte s'applique à tous les actes juridiques, et une mise en demeure en vue de résilier un contrat entre dans cette catégorie, au regard des conséquences qu'entraîne son non respect.

Il en résulte que le délai prévu au contrat, et rappelé dans la mise en demeure du 31 juillet 2017, expirait le 3 + 15 = 18 août 2017 à minuit.

Or, la déchéance du terme a été notifiée par la SOFIAP dans un courrier daté du 17 août, posté le 18, et donc, avant même l'issue du délai que pourtant elle s'imposait à elle même dans l'offre de prêt (peu important la date de réception effective de la missive par les débiteurs).

C'est en conséquence de façon irrégulière que la déchéance du terme a été prononcée par la SOFIAP, de sorte que cette dernière, qui ne peut se prévaloir de la résiliation du contrat, sera déboutée de l'intégralité de ses demandes."


samedi 9 mai 2020

Reprise d'une activité normale à compter du 11 mai 2020

Le Cabinet de Maître Yann Gré a continué à suivre vos dossiers et à vous accompagner pendant toute la période de confinement.

L'activité normale reprendra à compter du lundi 11 mai 2020.

Les rendez vous au Cabinet seront à nouveau possibles, dans le respect des règles de sécurité. (Les rendez vous téléphoniques demeureront, bien évidemment, possibles).

Pour prendre un rendez vous, vous pouvez contacter le 01 49 81 99 70 ou adresser un email à l'adresse suivante : contact@yanngre.com 


mardi 14 avril 2020

Nouveau : consultations téléphoniques de 30 minutes pour 45 Euros


Pendant la crise actuelle, Maître Yann Gré propose des consultations juridiques téléphoniques pour un forfait de 45 Euros TTC pour 30 minutes.

Vous pouvez prendre rendez vous en cliquant sur ce lien :

Consulter mon profil Avocat.fr
Vous pouvez également joindre Maître Yann Gré au 01 49 81 99 70 ou au 06 71 18 09 04 ou par email à l'adresse suivante : contact@yanngre.com

Crise du coronavirus : le point sur les mesures d'accompagnement des entreprises au 14 avril 2020


De nombreuses entreprises sont affectées par la situation actuelle.

Vous pouvez télécharger un guide qui résume, au 14 avril 2020, les mesures prises en faveur des entreprises affectées par cette crise.

Ce document peut être consulté en cliquant sur ce lien.

Les outils d'aide en ligne du Ministère de l'Économie et des Finances sont par ailleurs accessibles à cette adresse :

https://info-entreprises-covid19.economie.gouv.fr/kb

lundi 23 mars 2020

Cautionnement disproportionné : la Banque doit prendre en compte les prêts antérieurement souscrits par la caution.


La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant le 8 janvier 2020 (pourvoi n°18-19.258).

Dans cette affaire, une banque avait fait souscrire un engagement de cautionnement au dirigeant d'une entreprise qui avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

La Banque avait poursuivi ce dirigeant en tant que caution.

Ce dernier avait invoqué la disproportion de l'engagement de cautionnement souscrit au regard de son endettement et, notamment, le fait qu'à la date de souscription de cet engagement, il devait déjà rembourser quatre prêts professionnels.

La Cour d'Appel d'Amiens avait estimé : « qu’au moment de l’établissement de la fiche patrimoniale et de la conclusion du contrat de cautionnement litigieux, (la caution) avait omis de déclarer ces prêts et que la banque n’avait pas l’obligation de procéder à des investigations sur la situation de la caution, les informations données étant déclaratives et (la caution) ayant manqué à son obligation de loyauté ».

Pour la Cour d'Appel, la caution était en faute, dans la mesure où la fiche patrimoniale que la Banque lui avait fait signer, ne mentionnait pas l'existence de ces prêts.

La Cour de Cassation adopte une position totalement opposée et casse la décision de la Cour d'Appel.

Elle estime « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la banque n’avait pas nécessairement connaissance des prêts que (la caution) soutenait avoir conclu avec elle et qu’il invoquait pour démontrer que son cautionnement du 2 février 2019 était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Il ressort de cette décision que la Banque ne peut se contenter de faire signer une simple fiche déclarative à la caution sans étudier de manière effective sa situation.
 
Le texte complet de cet arrêt est le suivant :

"Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 2 février 2012, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie, devenue la société Caisse d'épargne des Hauts-de-France (la banque), a consenti à la société LFTC (la société) un prêt d'un montant de 50 000 euros ; que par le même acte, M. R..., gérant associé de cette société, s'est rendu caution solidaire, dans la limite de 65 000 euros et pour une durée de 66 mois, de l'engagement pris par la société ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné M. R... en paiement ;

Attendu que pour condamner M. R... à payer à la banque la somme de 33 549,02 euros, après avoir relevé qu'il produisait des contrats de prêts souscrits les 13 août et 21 août 2008, le 1er juillet 2009, le 1er septembre 2010 et le 17 juillet 2012 et qu'ainsi, à la date du cautionnement litigieux du 2 février 2012, il devait rembourser quatre prêts professionnels, l'arrêt retient qu'au moment de l'établissement de la fiche patrimoniale et de la conclusion du contrat de cautionnement litigieux, M. R... avait omis de déclarer ces prêts et que la banque n'avait pas l'obligation de procéder à des investigations sur la situation de la caution, les informations données étant déclaratives et M. R... ayant manqué à son obligation de loyauté ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas nécessairement connaissance des prêts que M. R... soutenait avoir conclu avec elle et qu'il invoquait pour démontrer que son cautionnement du 2 février 2019 était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société Caisse d'épargne des Hauts-de-France aux dépens ".
 

jeudi 19 mars 2020

Poursuite de l'activité du Cabinet

Durant la crise que nous traversons, Maître Yann Gré demeure à vos côtés.

Il continue à suivre vos dossiers et à effectuer les démarches nécessaires.

Il peut vous accompagner dans vos prises de décisions et vous assister, en urgence, dans le cadre de multiples formalités.

Des rendez-vous sont toujours possibles, par téléphone et par visioconférence.

Maître Yann Gré reste joignable au 01 49 81 99 70, au 06 71 18 09 04 ou par email à l'adresse  suivante : contact@yanngre.com

mercredi 4 mars 2020

La Cour de Cassation considère que le statut de travailleur indépendant des chauffeurs UBER est fictif.


Par un arrêt en date du 4 mars 2020 (pourvoi n°19-13.316), la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a jugé que le statut de travailleur indépendant des chauffeurs de VTC UBER doit être considéré comme fictif.

La Cour de Cassation a confirmé un arrêt de la Cour d'Appel de Paris qui avait considéré que la relation entre un chauffeur et la société UBER devait être requalifiée en contrat de travail.

Cette décision est susceptible de s'appliquer à de multiples autres chauffeurs de VTC, mais également à des livreurs soumis au statut de travailleur indépendant, qui pourront solliciter l'application des dispositions du Code du Travail.

Le texte complet de cet arrêt est le suivant :

Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2019), M. X..., contractuellement lié avec la société de droit néerlandais Uber BV par la signature d’un formulaire d’enregistrement de partenariat, a exercé une activité de chauffeur à compter du 12 octobre 2016 en recourant à la plateforme numérique Uber, après avoir loué un véhicule auprès d’un partenaire de cette société, et s’être enregistré au répertoire Sirene en tant qu’indépendant, sous l’activité de transport de voyageurs par taxis.
2. La société Uber BV a désactivé définitivement son compte sur la plateforme à partir du mois d’avril 2017.
3. M. X... a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de sa relation contractuelle avec la société Uber en contrat de travail, et formé des demandes de rappels de salaires et d’indemnités de rupture.
Examen de la recevabilité de l’intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière
4. Selon les articles 327 et 330 du code de procédure civile, les interventions volontaires ne sont admises devant la Cour de cassation que si elles sont formées à titre accessoire, à l’appui des prétentions d’une partie et ne sont recevables que si leur auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
5. Le syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ne justifiant pas d’un tel intérêt dans ce litige, son intervention volontaire n’est pas recevable.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Les sociétés Uber France et Uber BV font grief à l’arrêt de dire que le contrat ayant lié M. X... à la société Uber BV est un contrat de travail, alors :
« 1°/ que le contrat de travail suppose qu’une personne physique s’engage à travailler pour le compte d’une autre personne, physique ou morale, moyennant rémunération et dans un rapport de subordination juridique ; que ne constitue donc pas un contrat de travail, le contrat conclu par un chauffeur VTC avec une plateforme numérique, portant sur la mise à disposition d’une application électronique de mise en relation avec des clients potentiels en échange du versement de frais de service, lorsque ce contrat n’emporte aucune obligation pour le chauffeur de travailler pour la plateforme numérique, ni de se tenir à sa disposition et ne comporte aucun engagement susceptible de le contraindre à utiliser l’application pour exercer son activité ; qu’au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l’application ou non, de choisir l’endroit et le moment où il entend se connecter, sans en informer la plateforme à l’avance, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu’il choisit de se connecter à l’application, le chauffeur est libre d’accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l’application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion de l’Application pour des raisons opérationnelles liées au fonctionnement de l’algorithme, le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment et cette déconnexion temporaire n’a aucune incidence sur la relation contractuelle entre le chauffeur et Uber BV ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l’application, de sorte que le chauffeur n’est tenu d’aucun engagement financier envers la plateforme susceptible de le contraindre à utiliser l’application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de partenariat et l’utilisation de l’application ne sont assortis d’aucune obligation d’exclusivité pour le chauffeur qui peut librement utiliser de manière simultanée d’autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d’autres moyens ; que la société Uber BV en déduisait que la conclusion et l’exécution du contrat par M. X... n’emportaient strictement aucune obligation pour ce dernier de travailler pour le compte de la plateforme, de sorte que la relation contractuelle ne pouvait être qualifiée de contrat de travail ; qu’en jugeant néanmoins que le contrat ayant lié M. X... à la société Uber BV est un contrat de travail, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la conclusion et l’exécution de ce contrat emportaient une obligation à la charge du chauffeur de travailler pour la plateforme ou de se tenir à la disposition de cette dernière pour accomplir un travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;
2°/ qu’il résulte de l’article L. 8221-6 du code du travail que la présomption de non salariat pour l’exécution d’une activité donnant lieu à une immatriculation au répertoire des métiers n’est écartée que lorsqu’il est établi que la personne immatriculée fournit des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui la placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé ne peut constituer un indice du lien de subordination que lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; qu’aucun lien de subordination juridique permanent ne saurait résulter du contrat conclu entre une plateforme numérique et un chauffeur VTC, lorsque le contrat n’emporte aucun pouvoir de la plateforme d’exiger du chauffeur qu’il accomplisse un travail pour elle ou même qu’il se tienne à sa disposition pendant une période donnée, aussi courte soit-elle, ni aucun engagement susceptible de contraindre le chauffeur à utiliser l’application développée par la plate-forme ; qu’au cas présent, il est constant que M. X..., qui était inscrit au répertoire des métiers en qualité de chauffeur, entrait dans le champ d’application de l’article L. 8221-6 du code du travail ; que la société Uber BV faisait valoir que le chauffeur concluant un contrat de partenariat reste totalement libre de se connecter à l’application, de choisir l’endroit et le moment où il entend se connecter, sans être aucunement tenu d’en informer à l’avance la plateforme, et de mettre fin à la connexion à tout moment ; que la société Uber BV faisait également valoir que, lorsqu’il choisit de se connecter à l’application, le chauffeur est libre d’accepter, de refuser ou de ne pas répondre aux propositions de courses qui lui sont faites par le biais de l’application et que, si plusieurs refus consécutifs peuvent entraîner une déconnexion temporaire de l’application pour permettre le bon fonctionnement de l’algorithme (les demandes de courses étant proposées aux chauffeurs connectés un par un, par ordre de proximité avec le passager), le chauffeur a la possibilité de se reconnecter à tout moment uniquement en cliquant sur l’application ; que la société Uber BV faisait encore valoir que la conclusion du contrat de partenariat et l’utilisation de l’application ne donne lieu à aucune redevance, ni à aucun engagement financier, de la part du chauffeur à l’égard de la société Uber BV, qui serait de nature à contraindre le chauffeur d’utiliser l’application, et que la rémunération de la plateforme est exclusivement assurée par la perception de frais sur les courses effectivement effectuées par le biais de l’application ; que la société Uber BV faisait enfin valoir que le contrat de prestation de service électronique et l’utilisation de l’application n’étaient assortis d’aucune obligation d’exclusivité pour le chauffeur qui pouvait tout à fait librement utiliser de manière simultanée d’autres applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC et développer une clientèle par d’autres moyens ; qu’en se bornant à énoncer que le fait de pouvoir choisir ses lieux et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée”, sans rechercher si, pris dans leur ensemble, ces éléments, dont il résultait, non pas une simple liberté pour M. X... de choisir ses horaires de travail (telle qu’elle peut exister pour certains salariés), mais une liberté totale d’utiliser ou non l’application, de se connecter aux lieux et heures choisis discrétionnairement par lui, de ne pas accepter les courses proposées par le biais de l’application et d’organiser librement son activité sans l’application, n’excluaient pas l’existence d’un lien de subordination permanente avec la société Uber BV, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;
3°/ que le juge ne peut se prononcer sur l’existence ou non d’un lien de subordination juridique qu’en tenant compte de l’ensemble des éléments relatifs aux conditions d’exercice de l’activité qui lui sont présentés par les parties ; qu’au cas présent, la société Uber BV faisait valoir, sans être contredite, que le chauffeur n’était soumis à aucune obligation, ni à aucun contrôle, en termes de connexion et d’activité, que le contrat de partenariat portant sur l’utilisation de l’application ne comportait aucun engagement financier à la charge du chauffeur à son égard, ne comportait pas d’obligation d’exclusivité et rappelait même expressément que le chauffeur était libre de se connecter et d’utiliser des applications de mise en relation avec la clientèle constituée auprès de plateformes concurrentes et/ou exercer son activité de chauffeur VTC autrement qu’en utilisant l’application Uber ; qu’en jugeant qu’il existait un faisceau d’indices suffisant pour caractériser l’existence d’un lien de subordination, sans prendre en compte ces éléments déterminants propres à établir que le chauffeur dispose dans l’exercice de son activité, y compris par l’intermédiaire de la plateforme Uber, d’une liberté incompatible avec l’existence d’un lien de subordination juridique permanente, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;
4°/ que l’exécution d’un contrat de partenariat portant sur l’utilisation par un chauffeur VTC d’une application électronique de mise en relation avec des clients implique une possibilité pour la plateforme de s’assurer du bon fonctionnement de l’application, du respect par le chauffeur de la réglementation applicable, de la sécurité des personnes et de la qualité de la prestation de transport ; que ne caractérise pas un pouvoir disciplinaire, la possibilité pour une plateforme numérique de rompre unilatéralement le contrat en cas de manquements graves et répétés du chauffeur aux obligations résultant du contrat de partenariat ; qu’au cas présent, la société Uber BV faisait valoir que l’exigence à l’égard du chauffeur de ne pas annuler trop fréquemment les courses proposées par l’application qu’il a acceptées n’a ni pour objet ni pour effet de restreindre la libertédu chauffeur de choisir si, quand, et où il se connecte et de ne pas accepter les courses proposées, mais est nécessaire pour garantir la fiabilité du système en fluidifiant l’offre et la demande ; qu’elle exposait, par ailleurs, que les chauffeurs utilisant l’application Uber ne reçoivent aucun ordre, ni aucune directive personnalisée et que les règles fondamentales” résultant des documents contractuels constituent des exigences élémentaires de politesse et de savoir-vivre, de respect de la réglementation et de la sécurité des personnes, inhérentes à l’activité de chauffeur VTC ; que, dans ces conditions, la possibilité de rompre le contrat de partenariat en cas de méconnaissance de ces obligations n’est aucunement constitutive d’un pouvoir disciplinaire, mais relève de la faculté dont dispose tout contractant de rompre un partenariat commercial lorsque ses termes et ses conditions ne sont pas respectés par son cocontractant ; qu’en se bornant à relever, pour considérer que la société Uber BV disposait à l’égard des chauffeurs d’un pouvoir de sanction caractérisant un contrat de travail, qu’un taux d’annulation trop élevé ou le signalement par les passagers de comportements problématiques du chauffeur pouvaient entraîner la perte d’accès au compte, sans expliquer en quoi les exigences posées pour l’utilisation de l’application se distinguent de celles inhérentes à la nature même de l’activité de chauffeur VTC et à l’utilisation d’une plateforme numérique de mise en relation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble les articles L. 3221-1 et suivants du code des transports et 1103 et 1226 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
5°/ que la seule existence d’une possibilité stipulée au contrat, pour la plateforme de désactiver ou de restreindre l’accès à l’application ne saurait en elle-même caractériser un contrôle de l’activité des chauffeurs en l’absence de tout élément de nature à établir qu’une telle prérogative serait utilisée pour contraindre les chauffeurs à se connecter et à accepter les courses qui leur sont proposées ; qu’en se bornant à affirmer que la stipulation, au point 2.4 du contrat, selon laquelle Uber se réserve le droit de désactiver l’application ou d’en restreindre l’utilisation aurait pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV”, cependant, d’une part, que le contrat rappelait, par ailleurs, expressément au chauffeur qu’il était libre d’utiliser l’application quand il le souhaitait et d’accepter ou non les courses proposées et, d’autre part, qu’il n’était relevé aucun élément de nature à faire ressortir l’existence une quelconque désactivation ou restriction d’utilisation de l’application lorsqu’un chauffeur ne se connecte pas ou refuse des courses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;
6°/ que l’article 2.4 du contrat de prestations de services stipule notamment que le client et ses chauffeurs conservent exclusivement le droit de déterminer quand et combien de temps utiliser, pour chacun d’eux, l’application chauffeur ou les services Uber” et que le client et ses chauffeurs gardent la possibilité, par l’intermédiaire de l’application chauffeur, de tenter d’accepter, de refuser ou d’ignorer une sollicitation de services de transport par l’intermédiaire des services Uber, ou d’annuler une demande de services de transport acceptée par l’intermédiaire de l’application chauffeur, sous réserve des politiques d’annulation d’Uber alors en vigueur” ; qu’en tronquant l’article 2.4 du contrat pour dire que cette stipulation aurait pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et ainsi, à se tenir constamment pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV”, sans prendre en compte les termes clairs et précis de cette stipulation relative à la liberté du chauffeur de se connecter et de ne pas accepter les courses proposées, la cour d’appel a dénaturé par omission cette stipulation contractuelle, en violation des articles 1103 et 1192 du code civil, dans leur version issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
7°/ que le respect de la commande du client, qui a été acceptée par le chauffeur VTC, ne saurait constituer un indice de l’existence d’un lien de subordination de ce dernier à l’égard de la plateforme numérique ayant mis en relation le chauffeur et le client ; qu’ainsi, le fait pour un chauffeur VTC, qui a accepté d’effectuer une prestation de service de transport exclusive commandée par un client, de respecter les termes de cette commande et ne pas pouvoir prendre en charge d’autres passagers tant que la prestation de transport est en cours ne peut constituer un indice de subordination à l’égard d’une plateforme numérique ; qu’en jugeant que l’interdiction faite au chauffeur pendant l’exécution d’une course réservée via l’application Uber de prendre en charge d’autres passagers vient réduire à néant un attribut essentiel de la qualité de prestataire indépendant”, la cour d’appel s’est fondée sur un motif erroné et a violé les articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l’article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
8°/ qu’il résulte de la charte de la communauté Uber que sont prohibés les actes qui menacent la sécurité des chauffeurs et des passagers” comme le fait d’entrer en contact avec les passagers après une course sans leur accord. Par exemple : le fait d’envoyer un SMS, d’appeler ou de rendre visite à l’une des personnes présentes dans la voiture après la fin de la course sans son accord” ; qu’il résulte de ce document contractuel produit aux débats que, d’une part, l’interdiction de contacter les clients après la course, qui répond à des impératifs de sécurité, ne s’applique pas lorsque le client a accepté d’être contacté par le chauffeur et que, d’autre part, il n’est nullement interdit au chauffeur de donner ses coordonnées aux clients pour leur permettre de réserver une course auprès de lui directement sans passer par l’intermédiaire de la plate-forme ; qu’en jugeant néanmoins qu’en interdisant au chauffeur de contacter les passagers et de conserver leurs informations personnelles après une course, la société Uber BV privait les chauffeurs de la possibilité pour un passager consentant de laisser au chauffeur ses coordonnées pour réserver une prochaine course en dehors de l’application Uber”, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des documents contractuels produits aux débats, en violation des articles 1103, 1189 et 1192 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
9°/ que la société Uber BV faisait valoir que les dispositions du code de la consommation interdisent à un chauffeur VTC de refuser d’accomplir une course sans motif légitime, de sorte que l’absence de connaissance précise de la destination, n’est pas de nature à remettre en cause l’indépendance du chauffeur ; qu’en énonçant que l’absence de connaissance du critère de destination par le chauffeur lorsqu’il doit répondre à une proposition par le biais de la plateforme Uber interdit au chauffeur de choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non”, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions légales relatives au refus de fourniture de services n’interdisent pas à un chauffeur professionnel de refuser une course pour des motifs de pure convenance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-11 et R. 121-13 du code de la consommation, ensemble l’article L. 8221-6 du code du travail ;
10°/ que le système de géolocalisation inhérent au fonctionnement d’une plateforme numérique de mise en relation de chauffeurs VTC avec des clients potentiels ne caractérise pas un lien de subordination juridique des chauffeurs à l’égard de la plateforme dès lors que ce système n’a pas pour objet de contrôler l’activité des chauffeurs mais n’est utilisé que pour mettre ces derniers en contact avec le client le plus proche, assurer la sécurité des personnes transportées et déterminer le prix de la prestation ; qu’en affirmant que le système de géolocalisation utilisé par la plateforme Uber suffit à établir l’existence d’un contrôle des chauffeurs, peu important les motivations avancées par la société Uber BV de cette géolocalisation”, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail ;
11°/ que la détermination par une plateforme de mise en relation par voie électronique du prix des prestations de services fournies par son intermédiaire ne saurait caractériser un indice de l’existence d’un contrat de travail ; que le seul fait qu’une prestation de transport fasse l’objet d’un tarif horokilométrique et que le prix de la prestation puisse être réajusté, en cas de réclamation d’un passager, lorsque le trajet choisi par le chauffeur n’est pas approprié car abusivement long n’est pas constitutif d’un ordre ou d’une directive dans l’exécution du travail ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1411-1 et L. 7341-1 du code du travail, ensemble les articles 1164 et 1165 du code civil dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
12°/ que les éventuels engagements pris par un chauffeur indépendant à l’égard de tiers afin d’exercer son activité professionnelle ne sauraient constituer des indices d’un lien de subordination juridique entre ce chauffeur et une plateforme numérique ; qu’en relevant le fait que M. X... avait, dans l’attente de sa propre inscription au registre des VTC intervenue le 7 décembre 2016, exercé son activité sous la licence de la société Hinter France, partenaire de la société Uber BV, ce qui le contraignait à générer un chiffre d’affaires en se connectant à la plateforme Uber, la cour d’appel s’est fondée sur un motif impropre à caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique avec la société Uber BV, en violation des articles L. 1221-1, L. 1411-1, L. 7341-1 et L. 8221-6 du code du travail, ensemble l’article 1199 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
7. Selon l’article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques, dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation sur les registres ou répertoires que ce texte énumère, sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail. L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre.
8. Selon la jurisprudence constante de la Cour (Soc., 13 nov. 1996, n° 94-13187, Bull. V n° 386, Société générale), le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
9. Selon cette même jurisprudence, peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.
10. A cet égard, la cour d’appel a retenu que M. X... a été contraint pour pouvoir devenir "partenaire" de la société Uber BV et de son application éponyme de s’inscrire au Registre des Métiers et que, loin de décider librement de l’organisation de son activité, de rechercher une clientèle ou de choisir ses fournisseurs, il a ainsi intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par la société Uber BV, qui n’existe que grâce à cette plateforme, service de transport à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport, qui sont entièrement régis par la société Uber BV.
11. La cour d’appel a retenu, à propos de la liberté de se connecter et du libre choix des horaires de travail, que le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée, dès lors que lorsqu’un chauffeur se connecte à la plateforme Uber, il intègre un service organisé par la société Uber BV.
12. Au sujet des tarifs, la cour d’appel a relevé que ceux-ci sont contractuellement fixés au moyen des algorithmes de la plateforme Uber par un mécanisme prédictif, imposant au chauffeur un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix, puisque le contrat prévoit en son article 4.3 une possibilité d’ajustement par Uber du tarif, notamment si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", M. X... produisant plusieurs corrections tarifaires qui lui ont été appliquées par la société Uber BV et qui traduisent le fait qu’elle lui donnait des directives et en contrôlait l’application.
13. S’agissant des conditions d’exercice de la prestation de transport, la cour d’appel a constaté que l’application Uber exerce un contrôle en matière d’acceptation des courses, puisque, sans être démenti, M. X... affirme que, au bout de trois refus de sollicitations, lui est adressé le message "Êtes-vous encore là ?", la charte invitant les chauffeurs qui ne souhaitent pas accepter de courses à se déconnecter "tout simplement", que cette invitation doit être mise en regard des stipulations du point 2.4 du contrat, selon lesquelles : "Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d’Uber", lesquelles ont pour effet d’inciter les chauffeurs à rester connectés pour espérer effectuer une course et, ainsi, à se tenir constamment, pendant la durée de la connexion, à la disposition de la société Uber BV, sans pouvoir réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui leur convient ou non, ce d’autant que le point 2.2 du contrat stipule que le chauffeur "obtiendra la destination de l’utilisateur, soit en personne lors de la prise en charge, ou depuis l’Application Chauffeur si l’utilisateur choisit de saisir la destination par l’intermédiaire de l’Application mobile d’Uber", ce qui implique que le critère de destination, qui peut conditionner l’acceptation d’une course est parfois inconnu du chauffeur lorsqu’il doit répondre à une sollicitation de la plateforme Uber, ce que confirme le constat d’huissier de justice dressé le 13 mars 2017, ce même constat indiquant que le chauffeur dispose de seulement huit secondes pour accepter la course qui lui est proposée.
14. Sur le pouvoir de sanction, outre les déconnexions temporaires à partir de trois refus de courses dont la société Uber reconnaît l’existence, et les corrections tarifaires appliquées si le chauffeur a choisi un "itinéraire inefficace", la cour d’appel a retenu que la fixation par la société Uber BV d’un taux d’annulation de commandes, au demeurant variable dans "chaque ville" selon la charte de la communauté Uber, pouvant entraîner la perte d’accès au compte y participe, tout comme la perte définitive d’accès à l’application Uber en cas de signalements de "comportements problématiques" par les utilisateurs, auxquels M. X... a été exposé, peu important que les faits reprochés soient constitués ou que leur sanction soit proportionnée à leur commission.
15. La cour d’appel, qui a ainsi déduit de l’ensemble des éléments précédemment exposés que le statut de travailleur indépendant de M. X... était fictif et que la société Uber BV lui avait adressé des directives, en avait contrôlé l’exécution et avait exercé un pouvoir de sanction, a, sans dénaturation des termes du contrat et sans encourir les griefs du moyen, inopérant en ses septième, neuvième et douzième branches, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT irrecevable l’intervention volontaire du syndicat Confédération générale du travail-Force ouvrière ;
REJETTE le pourvoi .

samedi 22 février 2020

Quelques résultats récents obtenus par Maître Yann Gré

- Une cliente albanaise de Maître Yann Gré avait sollicité une autorisation de regroupement familial pour faire venir en France son époux de nationalité albanaise.

La Préfecture de Val de Marne avait refusé de faire droit à cette demande en estimant que la personne concernée ne disposait pas de ressources suffisantes.

Maître Yann Gré avait formé un recours contre cette décision devant le Tribunal Administratif de Melun.

Par jugement en date du 13 décembre 2019 (n°1802589-4), ce Tribunal a annulé la décision litigieuse et a ordonné à la Préfecture d'accorder l'autorisation de regroupement familial sollicitée.

- Des clients de Maître Yann Gré avaient formé un recours devant le Tribunal Administratif contre un permis de construire accordé à un promoteur immobilier qui souhaitait construire un ensemble immobilier de taille importante en face de leur pavillon. 

Un accord amiable a finalement pu être conclu avec ce promoteur, qui a accepté d'indemniser les clients de Maître Yann Gré à hauteur de 50.000 Euros pour compenser leur préjudice.

- Des clients de Maître Yann Gré, locataires, étaient poursuivis par leur bailleur, qui sollicitait leur expulsion et leur condamnation au paiement d'une somme 25.607,19 Euros.

Par ordonnance de référé en date du 10 février 2020 (RG n°12-19-003209), le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal Judiciaire de Paris a débouté le bailleur de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une indemnité de 800 Euros au titre des frais de procédure. 

Saisie immobilière : Maître Yann Gré obtient la suspension de la procédure quelques minutes avant l'audience d'adjudication.


Maître Yann Gré avait été sollicité par une cliente quelques jours avant la date prévue pour la vente aux enchères de son appartement, alors que cette vente avait déjà été ordonnée par le Tribunal.

Après avoir déposé des conclusions d'incident, Maître Yann Gré a pu obtenir un jugement ordonnant la suspension de la vente à quelques minutes de celle-ci, notamment en raison de l'existence d'une procédure de surendettement. (Tribunal Judiciaire de Créteil, Juge de l'Exécution, Saisies Immobilières, RG 19/00123, Jugement du 30 janvier 2020).

Interview de Maître Yann Gré sur le site ProntoPro



Retrouvez l'interview de Maître Yann Gré, Avocat à Créteil (94), sur le site ProntoPro, en cliquant sur ce lien.